Une pharmacienne sert un client derrière un plexiglas protecteur (Hygiaphone) à Nice, le 2 mai 2020

Une pharmacienne sert un client derrière un plexiglas protecteur (Hygiaphone) à Nice, le 2 mai 2020

afp.com/VALERY HACHE

La pluie fait son retour, les feuilles mortes jonchent la chaussée et les premiers rhumes sont dans l'air. Alors que l'automne pointe le bout de son nez, il n'en fallait pas plus pour garnir les files d'attente des rayons libre-service des pharmacies. Depuis l'arrivée de l'épidémie de Covid-19, les clients français se sont d'ailleurs tournés de plus en plus vers les produits naturels afin de renforcer leur immunité, que ce soit sur les conseils de professionnels, grâce au bouche-à-oreille, ou tout simplement en suivant les bons vieux conseils de grand-mère. Tous s'arrachent les flacons de "tea tree" (arbre à thé), de Ravintsara ou autres extraits de lavande dans les magasins.

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"Les ventes sont à des niveaux incroyables. La France a toujours eu un appétit particulier pour l'aromathérapie car c'est un terrain historique des scientifiques français. Du coup, les consommateurs ont aussi une bonne connaissance des produits", remarque un pharmacien parisien. Il suffit donc de pousser la porte d'une officine pour voir la place grandissante que prennent ces produits. Des linéaires complets et des affichages commerciaux bien placés : les huiles essentielles ont la cote !

Chez Leclerc, les stars s'appellent Ravintsara et Eucalyptus

Chez l'un des plus grands distributeurs tricolores, le réseau des parapharmacies Leclerc, on confirme la tendance. Dans sa globalité, le segment aromathérapie a augmenté de 22% depuis 2017 selon une source interne. Et l'effet est encore plus significatif sur les huiles essentielles : + 41% sur la même période. "Cet engouement s'explique par de plus en plus de clients en quête de naturalité : des consommateurs qui font plus attention à leur santé, à la composition des produits et qui privilégient des méthodes naturelles pour soulager leurs désagréments du quotidien", justifie-t-on au sein du réseau.

Des produits d'aromathérapie dans un bureau de la marque française Puressentiel à Paris, le 16 septembre 2015

Des produits d'aromathérapie dans un bureau de la marque française Puressentiel à Paris, le 16 septembre 2015

© / afp.com/ERIC PIERMONT

Forcément, avec un socle d'initiés déjà fort, le covid a eu "un effet booster" sur toute une partie de la gamme. A côté des fameux gels hydroalcooliques qui sont entrés dans le quotidien des Français, les ventes de produits assainissants ont augmenté de 43% sur les 18 derniers mois chez Leclerc. Et parmi les plus grandes progressions, les stars s'appellent donc Ravintsara (+83% dans le chiffre d'affaires de l'enseigne) et Eucalyptus (+25%).

Avec cette demande nouvelle, du côté des industriels, on se frotte les mains. "Les 18 derniers mois ont été très porteurs pour tout le secteur de l'aromathérapie", confirme Sergio Calandri depuis son bureau de Bruxelles. Le PDG du groupe Inula (marques Pranarom, Biofloral) est même très satisfait de voir la diversification des points de ventes, ses produits sortants de plus en plus des officines pour gagner les magasins spécialisés et les enseignes bios. Soit autant de nouveaux relais de croissance. "La pharmacie concentre toujours 70% de notre chiffre d'affaires, mais en France, les magasins bio affichent de solides performances et progressent bien", souffle Sergio Calandri dont le chiffre d'affaires a grimpé à deux chiffres cette année pour dépasser les 100 millions d'euros. "Le Covid est une opportunité car nos produits ont beaucoup d'attention. Sur les recherches Google, on voit une explosion des recherches et le libre-service facilite la commercialisation", ajoute le PDG italien.

400 000 flacons de Ravintsara vendus par Puressentiel

Dans un marché mondial estimé à 3 milliards d'euros, la France se situe en 3ème position pour les importations, mais aussi pour les exportations d'huiles essentielles. Et si les ventes annuelles tournent autour de 350 millions d'euros, c'est désormais la barre des 500 millions d'euros qui est dans le viseur des acteurs du secteur. Une bonne nouvelle pour l'Hexagone qui compte l'un des champions en la matière avec Puressentiel. Créé il y a une quinzaine d'années, le laboratoire de la famille Pacchioni pèse aujourd'hui 110 millions d'euros de chiffre d'affaires, dont 40% sont réalisés à l'étranger.

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Sur le seul segment de l'aromathérapie, Puressentiel revendique 37% de part de marché où il a écoulé, selon nos informations, 400 000 flacons en un an de son Ravintsara de Madagascar ! "C'est un peu le produit star du Covid, confirme Rocco Pacchioni. Mais ce n'est pas l'eldorado sur toute la gamme. Avec les gestes barrières et les confinements, il s'est vendu très peu de produit contre les maladies respiratoires et très peu de traitements contre les poux par exemple", détaille le fils du fondateur et directeur exécutif du groupe.

Seulement, il observe en temps réel les courbes des ventes et peut donc analyser les demandes et les besoins des Français. Si Rocco Pacchioni ne voit pas de raison pour que l'aromathérapie perde en régime "sur un marché mondial du bien-être à 1,5 trillion de dollars", il voit déjà se dessiner de nouveaux besoins. "2021 sera l'année du stress et du sommeil", prévient-on chez Puressentiel où l'on s'attend aussi à une accélération des transactions sur les canaux digitaux. L'entreprise française, qui vend déjà un flacon sur cinq en ligne, a vu grimper en flèche les ventes issues d'un certain Amazon. Le géant américain du e-commerce est même devenu son deuxième client derrière Leclerc.

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