Premium Beauty News - Comment avez vous abordé cette mutation vers plus de naturalité en maquillage ?

Cécile Lochard - Nous avons souhaité appliquer ce que nous étions parvenu à faire en soin, à la partie maquillage. C’est un segment qui était en retard pour différentes raisons, la plus simple étant que la substitution trop rapide de certains ingrédients ne nous permettait pas de préserver la sensorialité qui est propre à la Maison Guerlain. Néanmoins, nous avions anticipé et pour exemple avons mis plus de cinq ans à trouver les bonnes cires pour KissKiss Shine Bloom. C’est réellement la catégorie où il est le plus difficile d’opérer cette substitution mais le secteur de la cosmétique a fait énormément de progrès. C’est maintenant un process que nous souhaitons appliquer à toutes nos innovations, que ce soit en soin ou en maquillage. Cette accélération consiste à développer des produits toujours plus performants et naturels mais sans jamais faire de compromis sur la sensorialité, la sécurité et la santé de nos clients.

Premium Beauty News - C’est un segment très technique où la performance attendue complique le challenge ?

Cécile Lochard - Nous ne souhaitons pas éduquer notre cliente à ce que sa Terracotta ne soit pas équivalente sous prétexte que l’on a poussé le curseur de la naturalité le plus loin possible. Chez Guerlain il faut que la performance et la sensorialité soient au rendez-vous, y compris dans ces nouvelles formules. C’est pour cette raison que la recherche d’ingrédients doit passer par beaucoup d’étapes, et permettre de parvenir à des propriétés équivalentes à nos matières synthétiques. Nous avons énormément travaillé avec nos partenaires, nos fournisseurs historiques. Jamais Guerlain n’avait investi autant dans l’innovation en « natural beauty ». C’est de cette manière que nous parvenons à ces trois lancements très emblématiques. D’ailleurs, Candice Colin de l’application Clean Beauty a intégré notre Comité Éthique Externe dès sa création il y a trois ans maintenant. Elle challenge notre démarche d’éco-formulation au sens large et nous soutient sur ce lancement.

Premium Beauty News - Qu’en est-il du volet éco-packaging ?

Cécile Lochard - Nous challengeons à la fois l’éco-conception du packaging et de la formule. Néanmoins, il peut arriver que l’on avance par étape. Pour Terracotta toujours, la formule va bien au delà des 90% de naturalité que nous nous étions fixé puisqu’elle est composée à 96% d’ingrédients d’origine naturelle. Mais nous n’étions pas prêts encore à développer un nouveau boitier, il faut se donner le temps d’analyser la situation qui sera la plus « rentable » d’un point de vue environnemental. En maquillage, ce ne sont pas les mêmes prérogatives en terme d’éco-pack. Cela a plus de sens pour Guerlain d’aller chercher du rechargeable sur des produits lourds comme nos gammes ultra premium, et de privilégier le choix des néo-matériaux sur les petites créations plus légères. Bien que le travail d’éco-conception ne soit pas tout à fait abouti sur ces trois pistes de produits, nous n’avons pas voulu freiner pour autant sur les avancées faites d’un point de vue formulatoire.

Il faut cependant noter que chaque nouveau packaging obéit chez Guerlain à un indice de performance environnementale, et doit obtenir une note supérieure à l’emballage précédent. Donc il y a des changements même si ça ne se voit pas, sur l’allègement et le choix des matériaux.

Premium Beauty News - Quel bilan tirez-vous de la plateforme Bee Respect, destinée à informer en toute transparence sur la composition de chaque produit Guerlain ?

Cécile Lochard - Bee Respect a été lancé en janvier 2019. Nous avons d’abord présenté nos produits de soin, puis de maquillage, puis progressivement le catalogue parfums. À la fin de l’année 2021, 100% des produits seront tracés. Le lancement s’est d’abord fait en France mais nous aurons vraiment un retour consolidé quand la plateforme sera lancée sur le marché chinois en fin d’année 2021.

Néanmoins, nous avons été favorablement étonnés par la curiosité de nos clients. Le trafic augmente. Ce site est très bien perçu quand il est connu. Guerlain a été très en avance sur ce sujet, cela a anticipé l’attente incroyable en termes de transparence dans le luxe. Il est évident que la crise sanitaire n’a fait que conforter la demande pour des produits plus transparents, plus traçables et plus naturels. Ce fut un catalyseur, même si la Maison Guerlain s’est engagée depuis longtemps sur cette voie.

Premium Beauty News - Quels sont vos projets en tant que nouvelle directrice du développement durable pour la Maison Guerlain ?

Cécile Lochard - Il faut que l’on aille encore plus loin. Notre nouvelle présidente, Véronique Courtois, a pour ambition d’aller encore plus vite sur l’éco-formulation et l’éco-packaging. Le développement durable est présent au quotidien dans les process d’innovation. Elle a ce souci d’intégrer complètement le sujet. Elle a également à cœur d’accélérer la prise de conscience sur la préservation de l’abeille qui est l’emblème de la Maison et de la biodiversité. Nous allons travailler sur la pédagogie autour de notre totem et expliquer pourquoi il est vital pour la biodiversité de la préserver.

Je pense que la singularité de Guerlain est d’être une Maison inspirée depuis près de 200 ans par la nature. C’est pour nous important de travailler ce lien au travers de nos filières d’ingrédients naturels durables que nous auditons localement : que ce soit le miel, l’orchidée, la gelée royale, mais aussi le néroli, l’ylang, la rose, etc. Nous auditons aussi bien le volet environnemental que social visant une amélioration continue. Ce n’est peut-être pas ce qui va séduire le plus le consommateur mais pour moi le luxe n’existe pas sans biodiversité.

C’est une démarche très en amont, au sourcing, qui fait la qualité de nos produits. Nous pouvons certes partager de belles histoires mais il faut avant tout que l’on ait aussi des éléments très tangibles.